Deux ans d’Intifada, de fermetures et de crise économique palestinienne.
Une évaluation de la Banque Mondiale, le 5 mars 2003.
Synthèse du rapport actuellement examiné par l’Autorité Palestinienne, le gouvernement israélien et les bailleurs de fonds, destiné à être publié à la mi-mars 2003.
La crise économique palestinienne. Poursuite d’une grave détérioration.
La deuxième année de l’intifada a vu s’aggraver encore la forte baisse de tous les indicateurs économiques palestiniens. En 2002, le revenu national brut (RNB) [1] a perdu 40 % par rapport à 2000. La population de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza ayant connu ces deux dernières années un taux de croissance de 9 %, le revenu réel par tête n’atteint maintenant que la moitié de son niveau en septembre 2000. Le chômage touche 53 % de la main d’oeuvre [2].
Les destructions physiques liées au conflit ont fait un bond, passant de 305 millions de $US fin 2001 à 728 millions fin août 2002. Entre juin 2000 et juin 2002, les exportations palestiniennes ont perdu 45 % de leur valeur tandis que les importations se contractaient d’un tiers.
Après 27 mois d’Intifada, les pertes de RNB représentaient 5,4 milliards de dollars. Etant donné que le RNB était de 5,4 milliards en 1999, les coûts de la crise représentent maintenant l’équivalent d’une année complète de création de richesse palestinienne.
La situation de l’Autorité palestinienne (AP) en matière fiscale reste précaire. La montée du chômage, le déclin de la demande et la rétention par le gouvernement israélien des taxes collectées au nom de l’Autorité palestinienne ont provoqué une baisse des revenus mensuels de l’Autorité, lesquels sont passés de 92 millions de $US fin 2000 à 19 millions à la mi-2002.
Une aide budgétaire d’urgence des pays bailleurs de fonds de 40 millions de dollars par mois en moyenne en 2002 (soit environ la moitié du total des dépenses budgétaires de l’Autorité sur cette période [3]) a permis d’éviter l’effondrement de l’Autorité. Dans ce contexte, la récente décision du gouvernement israélien de reprendre le transfert mensuel des revenus de l’AP constitue une mesure tout à fait positive.
Le secteur privé interne a absorbé l’essentiel du choc porté à l’économie. Plus de 50% de la main d’œuvre privée pré-intifada a été licenciée.
Les avoirs privés agricoles et commerciaux ont essuyé plus de la moitié de tous les dégâts physiques. Le crédit bancaire au secteur privé se tarit alors que l’AP doit actuellement environ 370 millions de dollars de factures impayées à des fournisseurs privés.
En outre, l’aide directe des bailleurs de fonds aux entreprises privées a été négligeable en dépit d’un consensus en vertu duquel le secteur privé doit être le moteur de toute relance économique. Le PNB réel (mesuré au niveau des coûts de facteurs) a baissé d’environ 30 % entre 1999 et la mi-2002.
Les fermetures, c’est à dire l’imposition par le gouvernement israélien de restrictions à la circulation des personnes et des biens palestiniens aux frontières et au sein de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza, constituent la première cause de la crise économique palestinienne.
Le gouvernement israélien a regretté l’incidence de ces mesures, qu’il considère nécessaires à la protection de ses citoyens contre des attentats violents.
Ces restrictions prennent essentiellement deux formes : restrictions internes renforcées par des couvre-feux et fermeture extérieure de la frontière entre Israël et les territoires occupés, y compris la limitation de l’entrée des travailleurs palestiniens.
En mars-avril 2002, suite à une intensification de la violence, les opérations des forces de défense israéliennes (IDF) [NDLR : Forces d’Occupation Israélienne] ont transformé de nombreux villages et villes de Cisjordanie en zones militaires d’accès restreint dont les habitants doivent parfois subir des couvre-feux de plusieurs jours.
La circulation des marchandises en Cisjordanie a été gravement interrompue par un nouveau système de transbordement "back-to-back" qui exige que toutes les marchandises non humanitaires soient déchargées des camions qui les apportent et rechargées sur des camions locaux à huit points de contrôle près des plus grandes villes de Cisjordanie.
Dans les faits, ces restrictions s’appliquent avec plus de rigueur aux fabricants et négociants qui tentent de faire sortir des marchandises des villes palestiniennes qu’à ceux qui importent des marchandises d’Israël.
On estime que 128.000 Palestiniens travaillaient en septembre 2002 en Israël et dans les colonies israéliennes. Lorsque l’intifada a éclaté, le gouvernement israélien a commencé par réduire considérablement la quantité de permis de travail qu’il délivrait ; pourtant ces derniers mois, il a recommencé à en établir en plus grand nombre. Fin 2002, près de 32.000 permis avaient été délivrés, même si seulement environ la moitié d’entre eux étaient utilisés (les fermetures intérieures constituent en effet de sérieux obstacles à la mobilité de nombreux travailleurs en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza à l’heure de se rendre à leur travail).
Eviter l’effondrement économique
Il y a un an, de nombreux observateurs craignaient que l’économie palestinienne ne se trouve au bord de l’effondrement. Durement touchée, celle-ci est pourtant toujours opérationnelle. L’une des raisons fondamentales en est que l’Autorité palestinienne continue de fonctionner, en grande partie grâce au soutien budgétaire des bailleurs de fonds, qui permet de verser un salaire mensuel régulier à 125.000 personnes et de fournir des services essentiels à la population.
L’Autorité palestinienne emploie aujourd’hui un tiers des personnes encore au travail et paie la moitié de tous les salaires perçus en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.
Ces salaires ont permis d’aider à vivre les deux autres tiers encore employés et ont fait la différence entre la survie du secteur privé intérieur et sa disparition virtuelle.
La survie de l’économie palestinienne s’explique aussi par la persistance de niveaux élevés d’aide des bailleurs de fonds. En 2001, les débours ont doublé par rapport aux niveaux antérieurs à l’intifada, passant à 929 millions de $US et augmentant encore en 2002 pour atteindre 1,051 milliards de dollars.
Troisièmement, la société palestinienne a fait preuve d’une grande cohésion et capacité de résistance.
Malgré la violence, les difficultés économiques et les frustrations quotidiennes d’une vie tributaire des couvre-feux et des fermetures, la population s’entraide, prête et partage et la plupart des familles restent fonctionnelles.
Malgré un rapport de dépendance [4] supérieur à 18 à Gaza et l’absence de filets de sécurité formels, il y a peu de cas d’indigence absolue, les personnes percevant un revenu le partageant généralement avec celles qui n’en ont pas.
La Cisjordanie et Gaza ont encaissé des niveaux de chômage qui auraient déchiré le tissu social de nombreuses autres sociétés.
En dépit du ralentissement du déclin économique, il serait erroné de considérer que l’on a atteint un équilibre stable. La combinaison de l’insécurité politique et des fermetures continue à étouffer l’économie et chaque mois qui s’écoule rend plus difficile encore la reprise ultime.
Le capital humain et industriel continue son érosion, nuisant aux perspectives palestiniennes à long terme de compétitivité (l’investissement total s’est contracté, passant d’environ 1,5 milliards à 140 millions de $US entre 1999 et 2002) alors que la baisse du niveau sanitaire et éducatif sape les compétences des jeunes Palestiniens.
Conséquences sur les Palestiniens ordinaires
La crise économique a gravement compromis le bien-être des ménages. De nombreuses familles ont subi de longues périodes sans travail ou sans revenu et, malgré les efforts de création d’emplois de l’Autorité palestinienne, des bailleurs de fonds et des ONG, un grand nombre d’entre elles dépendent de l’aide alimentaire pour leur survie au quotidien.
Elles ont souvent dû faire face à cette situation en vendant des biens, en empruntant à des parents, des voisins et des commerçants et en réduisant leur consommation, y compris la consommation alimentaire.
La Banque mondiale a calculé en fixant le seuil de la pauvreté à 2 $US par jour, que, si 21% de la population palestinienne était pauvre à la veille de l’intifada, cette proportion était passée à environ 60% en décembre 2002.
La croissance démographique aidant, le nombre de pauvres a triplé, passant de 637.000 à près de 2 millions. En outre les pauvres s’appauvrissent : en 1998, une personne pauvre consommait en moyenne l’équivalent de 1,47 $US par jour, un chiffre qui a dégringolé à 1,32 $US aujourd’hui.
Plus de 75% de la population de la Bande de Gaza vit maintenant dans une pauvreté qu’alimente encore le taux élevé de croissance démographique (4,35% par an).
La santé de la population palestinienne s’est sensiblement dégradée. La consommation alimentaire réelle par tête a baissé de 30% depuis septembre 2000.
Une enquête récente indique que 13,3% [5] de la population de Gaza souffre de malnutrition aiguë, un chiffre à rapprocher de ceux que l’on trouve au Zimbabwe (13 %) et au Congo (13,9 %).
La crise a eu des incidences variables selon les groupes sociaux. Les adolescents sont particulièrement vulnérables. Capables de comprendre les difficultés économiques auxquelles se trouvent confrontées leurs familles mais généralement trop jeunes et inexpérimentés pour pouvoir leur être d’un grand secours, ils sont particulièrement susceptibles aux traumatismes et aux sentiments d’impuissance et de colère.
Les enseignants signalent un nombre croissant de conduites violentes à l’école ; de nombreux adolescents ne voient pas l’intérêt de continuer à étudier et les taux d’abandon scolaire ont nettement augmenté au cours de l’intifada alors que la possibilité pour des adolescents de trouver à s’employer sur le marché formel du travail est très limitée.
Nombre de ces jeunes risquent de se trouver enfermés pour toute leur vie dans le piège de la pauvreté, sans grand espoir d’y échapper, même en cas de reprise économique.
Des recherches internationales montrent les effets à retardement dévastateurs que peut avoir le chômage prolongé dans les sociétés patriarcales et la façon dont il peut se traduire par la violence intrafamiliale. De nombreuses organisations travaillant dans le domaine social et les droits humains avec des familles en Cisjordanie et à Gaza ont remarqué une augmentation de la violence contre les femmes parallèle à l’allongement de la crise.
Que peut-on faire ?
L’analyse de la Banque mondiale montre que les pouvoirs des bailleurs de fonds sont limités dans de telles circonstances. Même si les débours des donateurs devaient doubler en 2003 -même si rien n’indique que cela soit faisable-, le taux de pauvreté ne baisserait qu’à 54 % d’ici la fin 2004 [6].
Conflit prolongé et crise politique continuent de caractériser la situation. Si les fonds des donateurs peuvent amortir les conséquences de la crise et maintenir un minimum de services essentiels, ils ne constituent pas une solution.
Il est indispensable d’élaborer le cadre négocié d’un changement politique qui permettrait la reprise du développement économique et social tant en Israël que dans les territoires palestiniens.
Les défis que doit relever l’Autorité palestinienne.
Les principaux fournisseurs de service, les ministères de la santé, de l’éducation et les municipalités, ont maintenu un réseau élémentaire de services essentiels dans un contexte marqué par les couvre-feux, les fermetures, la violence périodique et une grave contraction fiscale.
Ces institutions ont continué à s’acquitter de leur tâche grâce au dévouement de milliers de Palestiniens qui travaillent dans les écoles, les cliniques et les services municipaux, soutenus sur le terrain par les agences du système des Nations Unies, en particulier l’UNWRA, et par des ONG palestiniennes et internationales.
Au plan stratégique cependant, l’Autorité palestinienne n’a pas réussi à montrer à l’opinion comment elle fait face à la crise, ce qui explique en partie pourquoi ses efforts sont sous-estimés par l’opinion.
L’Autorité palestinienne a besoin d’élaborer un plan national d’urgence dont elle mettrait à profit la formulation pour stimuler l’effort social collectif pour faire face à la crise persistante. La possibilité d’une guerre régionale et de difficultés économiques accrues donne plus d’urgence encore à la tâche.
L’adoption par l’Autorité palestinienne d’un vrai programme de réforme marque une différence fondamentale avec la situation il y a un an. Le programme de réforme de l’AP a pour objectif d’éradiquer la corruption en imposant une responsabilité fiscale complète afin de créer un contexte juridique prévisible et transparent et de constituer une fonction civile moderne, fondée sur le mérite.
Le Comité ministériel sur la réforme de l’AP s’est lancé de tout cœur dans cette entreprise. Des progrès considérables ont été réalisés, en particulier dans la gestion des finances de l’AP.
Les progrès dans d’autres domaines, en particulier la réforme juridique et judiciaire, ne sont pas encore satisfaisants. Cependant beaucoup a été fait, dans l’ensemble, pour restaurer la crédibilité de l’AP aux yeux de la communauté internationale.
L’évolution est maintenant irréversible, car l’Autorité palestinienne, ayant reconnu la nécessité de lutter contre la corruption et de faire d’elle-même un instrument démocratique, moderne et responsable de gouvernement, se doit de réussir son programme de réforme à moins de perdre sa légitimité.
Les bailleurs de fonds à l’épreuve.
Selon les prévisions économiques de la Banque pour 2003, qui prévoient une poursuite de la crise, les donateurs devraient se proposer de débourser au moins 1,1 milliards de dollars US, un petit peu plus qu’en 2002. L’essentiel de ces fonds sont nécessaires dans le cadre du soutien budgétaire à l’AP (574 millions de $US) et d’autres programmes d’urgence et humanitaires (375 millions de dollars [7] ).
Une première estimation indique que les engagements représentent pour l’heure quelques 700 millions de $US et que l’on peut attendre un total de 1,5 milliards de dollars US d’engagements. Un tel niveau d’engagement rendrait faisable un objectif de débours de 1,1 milliards $US
[8].
Le plus déterminant en 2003 sera d’obtenir un soutien adéquat du budget de l’Autorité palestinienne, un élément essentiel pour maintenir la gouvernance de l’AP, permettre la poursuite des services publics de base et soutenir la demande agrégée.
L’objectif de soutien du budget 2003 est ambitieux, les débours à ce titre pour 2002 ont atteint plutôt moins (450 millions de $US) et l’on observe des signes de lassitude préoccupants de la part des donateurs dans ce domaine [9].
En dépit des controverses politiques et du peu de popularité traditionnelle du soutien au budget (considéré comme un détournement de fonds qui pourraient être destinés à un investissement fomentant la croissance [10]), celui-ci reste la contribution la plus fondamentale que puissent réaliser les bailleurs de fonds pour soutenir l’économie et les structures nécessaires à la construction d’un Etat palestinien.
Le rapport aborde les mérites comparés de quatre instruments d’aide des bailleurs de fonds (aide au budget de l’AP, aide alimentaire, aide en liquide et programmes de création d’emplois). Il les aborde sous l’angle de leur efficacité dans la lutte contre la pauvreté.
L’aide alimentaire importée comporte de nombreux inconvénients en tant qu’instrument d’assistance, dont son incidence négative sur le PIB agricole.
Les programmes d’aide en liquide ou quasi-liquide (bons, y compris les bons d’achat d’aliments produits localement) sont de loin préférables.
L’aide au budget de l’AP, en tant qu’instrument d’aide, est supérieure à tous les autres. Les programmes de création d’emplois ont leur place dans l’ensemble des mesures d’aide en raison de leurs avantages tant dans le domaine psychologique que parce qu’ils permettent de produire des bénéfices, ceci surtout lorsqu’ils sont conçus pour porter au maximum le contenu du travail et l’utilisation de matériaux locaux.
Les donateurs ne devraient pas abandonner leur programme de développement à moyen terme et devraient tenter de faire de leur mieux pour aider à la création des institutions et de l’infrastructure d’un futur Etat. A cet égard, les déclarations d’intention pour 2003 sont encourageantes et montrent que les bailleurs de fonds souhaitent engager au moins 335 millions de $US pour l’aide à moyen terme. Si ces plans se réalisent, ils mettront un terme à un déclin préoccupant des dépenses de développement des donateurs [11].
Des défis pour le gouvernement d’Israël
Les actions du gouvernement israélien sont fondamentales pour comprendre le comportement de l’économie palestinienne en 2003.
Les différents types de fermeture ont en effet bien plus d’influence que la politique économique de l’AP ou les activités des bailleurs de dons.
Le droit légitime d’Israël à protéger ses citoyens des attentats n’est pas ici mis en cause. La difficulté consiste à s’acquitter de cette tâche sans détruire l’économie palestinienne et les moyens d’existence des Palestiniens ordinaires.
La condition sine qua non de la stabilisation économique est un assouplissement significatif du régime actuel des fermetures internes et des couvre-feux.
Tant que l’espace économique interne palestinien restera aussi fragmenté qu’aujourd’hui et l’économie confrontée à une extrême imprévisibilité et à d’énormes coûts de transaction, la réanimation de
l’activité économique domestique restera une perspective lointaine et la situation des Palestiniens continuera de se dégrader.
La récente décision du gouvernement israélien de reprendre le transfert des revenus mensuels de compensation de l’Autorité palestinienne constitue une importante initiative [12]. Si ces flux sont régulièrement rétablis et tenus à l’écart des pressions politiques quotidiennes, ils joueront un rôle fondamental dans la stabilisation de l’économie palestinienne. Si le gouvernement israélien continue de rembourser les arriérés retenus, cela permettra à l’AP de régler ses dettes envers le secteur privé interne. L’injection de liquidités qui en résultera aura un effet bien plus important sur le secteur privé palestinien que toute autre mesure disponible.
L’accroissement récent du nombre de permis délivrés à des Palestiniens pour travailler en Israël et dans les colonies est également très positif. Si cette situation persiste et si elle est couplée à un assouplissement des fermetures internes, elle contribuera de façon significative à une reprise économique.
Les bailleurs de fonds ont besoin que le gouvernement israélien facilite davantage le travail des agences humanitaires, qu’il s’agisse de donateurs, d’agences des Nations Unies ou d’ONG.
Le rapport décrit une intensification des relations entre les bailleurs de fonds et le gouvernement israélien dans le contexte du Groupe sur la mise en œuvre des projets (TFPI) et souligne la collégialité des relations de travail établies entre les bailleurs de fonds du groupe TFPI et le Bureau du coordinateur pour les territoires occupés (COGAT).
Le rapport indique également que des hiatus significatifs persistent entre les engagements des donateurs envers le COGAT et les actions sur le terrain de certains soldats des forces de défense israéliennes [NDLR : FOI], ce qui mine l’efficacité de l’effort humanitaire et expose en outre le personnel des organisations d’aide à un danger physique certain.
Les bailleurs de fonds ont également souligné avec force que les forces de défense israéliennes (IDF)[NDLR : FOI] doivent s’abstenir de détruire les infrastructures et locaux financés par les bailleurs de fonds. [13].
Les donateurs ont aussi demandé au gouvernement israélien d’assurer, en cohérence avec l’appel israélien à une réforme de l’AP, la liberté de circulation des officiers et parlementaires palestiniens cruciaux pour l’implantation du programme de Réforme palestinienne.
Il est en outre important que le gouvernement israélien facilite les rencontres du Conseil législatif palestinien afin de permettre l’approbation d’une législation fondamentale pour la réforme et une supervision du processus réformateur.
Les perspectives
Si toute reprise à court terme dépend de la levée des fermetures, celle-ci ne suffira pas à mettre l’é-conomie palestinienne sur les rails d’une croissance durable.
Le protocole de Paris, qui a formalisé l’union douanière de facto avec Israël qui existe depuis 1967, s’est avéré extrêmement coûteux, et ceci pas seulement en raison des fermetures qui ont fait obstacle sa mise en œuvre.
Au plan structurel, le potentiel de croissance à long terme de l’économie palestinienne s’est trouvé entravé par la pression croissante des salaires intérieurs palestiniens en raison des salaires payés aux travailleurs palestiniens en Israël. Les salaires intérieurs ont excédé toute croissance sous-jacente de productivité et entravé la capacité des Palestiniens à exporter à des prix compétitifs dans le reste du monde.
L’analyse bancaire montre qu’une politique volontariste de développement des exportations fondée sur l’adoption d’un régime commercial plus ouvert et moins discriminatoire créerait d’ici 2010 des revenus plus importants qu’un retour aux niveaux antérieurs d’emploi en Israël.
Entre 1968 et 2000, les Palestiniens de Cisjordanie et de la Bande de Gaza ont suivi une stratégie d’exportation du travail plutôt que des marchandises. En juin 2000, trois mois avant l’intifada palestinienne actuelle, 21 % de tous les Palestiniens travaillant étaient employés en Israël, essentiellement dans des emplois peu qualifiés dans la construction et l’agriculture.
Les revenus nets en provenance de l’étranger ont fourni plus de 22 % du PIB palestinien, faisant de cette économie l’une des plus dépendantes des envois de fonds extérieurs au monde.
C’est la raison pour laquelle la perte d’emplois en Israël au cours des deux dernières années a eu une telle incidence. En d’autres termes, l’intifada a souligné la vulnérabilité d’une stratégie de développement s’appuyant si largement sur l’exportation de main d’œuvre en Israël.
Les bénéfices commerciaux mettraient du temps à se matérialiser et le retour au marché du travail israélien constituerait certainement la façon la plus rapide d’accroître les revenus d’un grand nombre de Palestiniens ordinaires, mais un retour aux niveaux d’emploi palestinien en Israël antérieurs à septembre 2000 semble peu probable. En tout état de cause, il risquerait de perpétuer un niveau élevé de dépendance de l’économie palestinienne envers Israël et empêcherait l’émergence d’une stratégie de développement plus diversifiée.
Il est cependant important de souligner qu’un tel changement de politique exige la coopération active d’Israël et constitue ainsi partie intégrante d’un rapprochement politique.